La G.F.

Une fabrication artisanale de haut niveau

Après avoir confirmé la fiabilité et les performances dont était capable la placide berline 203, il était temps de concrétiser un rêve pour les frères Goux : concevoir, réaliser et mettre au point une voiture de grand sport française capable de rivaliser avec les italiennes.

Des solutions éprouvées


Printemps 1955, les coups de batte de carrossier qui résonnent au 10 de la rue Saint Claude, les passants y sont habitués. Dans la journée, on répare des Peugeot accidentées, des 203 principalement, mais également encore de nombreuses séries “02”, celles qui ont survécu au conflit mondial, les vaillantes 202, 302 et 402. Que les coups continuent tard le soir, ça, c’est déjà plus inhabituel…en réalité, quelqu’un est en train de donner vie a des tôles d’aluminium. Après ses heures de travail, Albert Dalamano (compagnon du devoir et meilleur ouvrier de France) , l’homme en question, qui n’est autre que le carrossier du garage Goux Frères, est un as de la batte et du tas de carrossier. Débauché de chez Chapron, il a également travaillé pour Saoutchik, entre autres, un bon CV ! Son implication dans la genèse et la réalisation de la carrosserie de la GF ne peut être dissociée du travail des Frères Goux.

Les solutions aérodynamiques retenues et validées par lui même nécessitent un travail de carrossier hors norme : hauteur de caisse réduite (75cm au maxi), intégration totale de la ligne d’échappement dans le bas de caisse, trappes et volets d’aération encastrées, fond plat, intérieurs d’ailes profilés, etc.

Cet écrin d’Aluminium sur mesure doit venir habiller le châssis, conçu par les frères Goux, entièrement tubulaire ultra simple, qui ne pèse que 36kg. Une fois assemblé, et mécanique en place, l’ensemble de la voiture ne dépasse pas les 600kg sur la balance.

Une des difficultés majeures rencontrées par les 3 hommes sera de faire “entrer” les éléments de suspension arrière de la 203 dans un volume très réduit, et en disposant de peu de hauteur. Une solution sera trouvée à base de deux caissons verticaux, là encore formés à la main.

L’habitacle, bien qu’orienté compétition (pas d’habillages, compte-tours dans l’axe du pilote) n’en est pas pour autant inconfortable. La voiture étant destinée à des records de durée, se doit de ménager ceux qui la conduiront. Si de prime abord, la GF semble être une monoplace, il suffit de retirer le cover-tonneau en Aluminium pour découvrir un deuxième siège baquet, en simili rouge identique à celui du pilote pour comprendre qu’elle pourrait tout à fait convenir à du grand tourisme.

Une mécanique connue mais affutée

MOTEUR DE 203

La base mécanique provient de la 203, comme cela était prévu, même si certains éléments, dont le moteur, allait cette fois subir une préparation assez poussée, à base d’éléments Autobleu notamment.

AUTOBLEU

La cylindrée est portée à 1460 cc, avec tubulures spéciales, gros carburateur, système de graissage compensé SPK, bougies SEV Marchal, échappement 4 en 1…

90cv AU BANC

Le garage Goux Frères est équipé d’un banc moteur, équipement encore assez rare à l’époque, pratique pour développer un moteur de course, les 90cv y sont atteints, soit près du double de la puissance d’origine.

Découverte par la presse

La “GF” fera ses premiers tours de roue au printemps 1956, après “seulement” deux ans de travail acharné à sa réalisation au premier étage du garage du 3e arrondissement, bien à l’abris des regards des clients et visiteurs. Le secret fût bien gardé, et la voiture ne sera découverte que lorsqu’elle sera sur la route.

3 volants de tailles différentes furent fabriqués par Nardi pour la G.F., nous en possédons encore deux…

L’ensemble de la voiture accusant seulement 600kg sur la balance, le rapport poid/puissance est plutôt favorable aux performances. Ce sera vérifié sur l’anneau de Montlhery avec des pointes à plus de 200km/h lors des essais de mise au point.

L’article de l’Equipe détaille les caractéristiques techniques de l’engin, et les difficultés rencontrées pour adapter des éléments mécaniques issus de la grande série, et d’une voiture qui n’était pas vraiment conçue pour la compétition.

Aujourd’hui, la GF représente pour notre famille une sorte de Graal. De cette voiture il nous reste des photos, des coupures de presse, deux volants (trois modèles avaient été commandés chez Nardi, de trois tailles différentes, ceux qui restent n’avaient pas été retenus) et des souvenirs. Chantal Goux, fille de Marcel, qui est présente sur les photos de la GF à Montlhéry se souvient de cette période, comme elle se souvient également que la voiture a été vendue à un ami de la famille lors de la vente du garage dans les années 60, juste avant qu’elle ne me mette au monde. Après, nous perdons sa trace, mais nous refusons de croire qu’elle ait été détruite. Nous restons persuadés qu’elle dort tranquillement, attendant qu’un héritier mette la main sur la collection dont elle doit faire partie, quelque part à l’abri des regards.