« En sortant du collège de Châlon sur Marne, section des Arts et Métiers, j’étais entré chez Peugeot comme dessinateur aux appointements de 15 francs par mois, ce qui d’ailleurs était magnifique !
Les voiturettes étaient construites par l’usine de cycles Peugeot à Beaulieu, tandis que les grosses voitures sortaient des ateliers d’Audincourt. C’est en 1906, donc, que je fis ma première course en me lançant dans la rude montée du Ballon d’Alsace où se disputait la coupe Lederlin. Je gagnais ma catégorie et fus premier aussi au classement général. De cette date jusqu’en 1911 y compris, j’ai participé sur des voiturettes Lion-Peugeot mises au point par mes soins, à toutes les course réservées à cette catégorie, dont beaucoup d’ailleurs furent orgnisées par le journal l’Auto, plus particulièrement en 1909/1910/1911. Le premier Grand Prix de l’ACF était revenu à Sziz sur Renault.
En 1907, c’était Nazzaro sur Fiat qui gagnait et en 1908 Lautensclager sur Mercedes était le premier. De 1908 à 1911, l’épreuve fut interrompue faute de concurrents nationaux, et ne fut reprise seulement qu’en 1912, année où mon regretté camarade Georges Boillot remporta la victoire sur Peugeot, la renouvelant en 1913 alors que je me classais second derrière lui, pilotant une Peugeot également. Ce fut ma première épreuve sur grosse voiture. Nous avions 7.6 litres de cylindrée en 4 cylindres. Fiat avait 14 litres de cylindrée en 4 cylindres et tous les concurrents faisaient sensiblement la même vitesse maxima, laquelle oscillait entre 160 et 165 km/heure. Je rappelle que c’était en 1913. Pour en revenir aux voiturettes, je préciserai qu’à cette même époque, le règlement limitait l’alésage. En conséquence, pour augmenter la puissance il fallait augmenter la course.(…) J’ai courru en 1910 avec une 2 cylindres en V de 80 par 280. Le moteur dépassait ma tête de beaucoup et je devais scruter ma route par le côté, ne pouvant le faire par-dessus le capot. En outre, la voiture qui était à voies étroites, se renversait nettement sur deux roues dans les virages. (…) Pendant la guerre, les Peugeot de 1914 triomphent en Amérique et en 1919 à Indianapolis c’est encore la même Peugeot qui enlève la première et la troisième place.
De tels résultats n’ont pu être atteints et une telle puissance obtenue et utilisée effectivement, que grâce aux améliorations apportées à la tenue de route, à l’adhérence et à la stabilité des voitures, par des études appropriées de la suspension, abaissement du centre de la gravité, roues indépendantes, répartition rationnelle du poids. L’application des roues indépendantes à la course a été leur consécration. La course a guidé le progrès !
On ne le répétera jamais assez, depuis 54 années la course a toujours ouvert la voie au progrès, tant pour les moteurs que pour les voitures. Les moteurs d’aviation eux-mêmes sont dérivés du perfectionnement des moteurs de courses automobile dès leurs débuts. »
Jules Goux.